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qui sait ?

ques jours, vous ne pensiez plus qu’à ce Lazare de malheur.

— Comment n’y aurais-je pas pensé ! Si vous saviez dans quels transports j’ai écrit ce poème, et quelle fut ma joie lorsque j’appris que le grand Rebel en était inspiré ! Mes vers et sa musique, mon Dieu !… C’est alors que je fis sa connaissance. Le génie même !… Hélas !… Lazare fut sa dernière œuvre, — la préférée. Il y attachait une Importance capitale. Il se faisait une fête de l’entendre à l’orchestre, avec les masses chorales, les soli, le récitant… Oui, une fête ; comme moi. Comme moi, il se serait levé, tremblant de fièvre, claquant des dents…

— C’est possible, mon ami, mais de là à supposer…

— Je ne suppose pas. Je l’ai vu. C’était lui. Dans l’ombre. Je ne l’ai aperçu qu’à la fin de la seconde partie, après la scène pathétique de la résurrection : « Lazare, lève-toi !… » J’étais violemment ému, quand tout à coup…

— Du calme ! Ne vous découvrez pas ainsi. Vous m’avez déjà raconté…

— … Tout à coup, cet homme m’apparut, — Rebel, — immobile et pâle comme une figure de cire…

— Vous a-t-il regardé ? Oui, n’est-il pas vrai ?

— Il m’a regardé, d’un regard qui ne voyait rien.