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le fantôme de baslieu

à qui nous avions affaire. Il était très poli, mais pas bavard. Il paraissait absorbé dans des idées. Et ses yeux fixes avaient l’air de regarder des choses que nous ne voyions pas. Ma femme disait que ce devait être un de ces illuminés qui font du spiritisme. Ma mère croyait plutôt qu’il s’agissait d’un ancien à la Gaby Florèse, qui venait là comme qui dirait en pèlerinage. Moi, je dis :

» — En tout cas, il prendra son bain, comme les autres !

» Un peu avant minuit, je suis sorti par l’étable, déguisé en revenant, et j’ai commencé mes simagrées, de l’autre côté de l’étang. L’homme était debout en face de moi, sur la rive opposée. Je l’ai vu tendre ses bras vers moi…, et je l’ai entendu qui appelait dou­cement :

» — Jean-Louis !… Jean-Louis !… Mon petit, c’est moi, ton papa… Me reconnais­ tu ?…

» Tonnerre de Dieu ! Le père de l’assassin ! Le père du supplicié !… Ah ! croyez-moi si vous voulez, monsieur le procureur ; mais, dès que j’eus compris ça, j’ai pas pu continuer la feintise. On a beau être finaud et même — oui ! — même effronté, il y a des choses qu’on ne peut pas. Je pensais à mon père à moi, qui est mort et que je voudrais tant revoir…

» J’ai laissé venir le bonhomme. Il a con-