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l’épouvantail

Polyte apparut à l’horizon du talus, au milieu de l’avoine à Blistat. Il se dressait contre l’éblouissement du ciel bleu.

Polyte n’était pas une créature humaine, mais un épouvantail à moineaux. Blistat l’avait planté dans son champ comme une sentinelle. Privé de figure et de mains, n’ayant pour corps qu’une maigre croix de bois, Polyte se composait surtout d’un chapeau de feutre déteint et d’un très vieux paletot jaunâtre qui agitait ses manches lorsqu’il faisait du vent.

Nane et Pierrot le connaissaient bien, Polyte. Pourquoi l’appelaient-ils ainsi ? Énigme. Toujours est-il que souvent, avec d’autres enfants du village, depuis que Polyte existait par la volonté de Blistat, ils venaient là, pour jouer à des jeux où le mannequin tenait un rôle étrange et antipathique. Un rôle distant, tou­tefois ; car aucun de ces petits campagnards ne se serait aventuré à fouler l’avoine à Blistat, — l’avoine sacrée. Ils se contentaient d’invectiver Polyte, de loin, et de lui jeter des pierres, en punition de sa méchanceté supposée.

— Eh, Polyte ! clama Pierrot. Attends ! Attends, va ! Mauvais diable !

Les pierres filaient, La plupart manquaient leur but. Quelques-unes faisaient un bruit mou en frappant le vieux paletot jaunâtre ou le feutre déteint.

Nane, épanouie, regardait s’accomplir l’œuvre