Assurant sa faible voix Pierrot dit enfin, la gorge serrée :
— Tu ne le revois pas encore ?
— Qui ? demanda-t-elle, sachant bien, pourtant, ce qu’il voulait dire.
— Polyte…
— Non…, souffla-t-elle.
Les deux petites mains se serrèrent plus fort.
Polyte… L’ombre donnait à sa présence, son existence, une valeur terrifiante. Que devenait-il, la nuit ? Que faisait-il dans l’obscurité ? Peut-être se mettait-il à marcher à travers la campagne, hanté par des désirs de vengeance… Peut-être, à cette heure, guettait-il les deux enfants, pour sauter sur eux et leur faire expier l’affront qu’ils lui avaient infligé !…
Nane murmura :
— Courons !
Ils prirent leur course. Polyte venait de surgir à la crête du talus, tandis que la lune, énorme et jaune, se levait derrière lui.
Pierrot se refusait à le voir. Pierrot fuyait. Mais Nane, déjà femme, eut un regard par dessus l’épaule ; et, dans un gémissement éperdu, elle bégaya :
— Il bouge ! Il bouge !… Vite ! Courons !
Ce fut une panique. Ils suffoquaient. Le sang leur battait aux oreilles. Ils entendaient, en arrière, le bruit d’une marche épouvantable…