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le carnaval du mystère

son stylographe courait sur la page blanche. Je me sentais de plus en plus gêné devant ce visage austère. Évidemment, cet homme n’avait pas coutume d’exercer sa profession dans des circonstances semblables, et tout, ici, devait lui déplaire. Il me paraissait l’image même de la réprobation. Son large front pur, ses cheveux grisonnants, son attitude lointaine et jusqu’à l’alliance qui brillait à son doigt me remplis­saient maintenant de confusion. Il devait mau­dire le cercle où l’on nous avait présentés l’un à l’autre.

— Il faudrait, dit-il, qu’elle pût rentrer chez elle au plus tôt… Accompagnée, bien entendu.

Ses prunelles claires me fixèrent, sur ces mots. Avait-il donc l’intuition de la vérité ?

— C’est que, avouai-je, elle ne voudra jamais me dire où elle habite… ni même qui elle est…

Il eut un hochement de tête très triste. Mais je repris :

— Vous, docteur, vous pourriez peut-être la reconduire ? Me feriez-vous l’amitié, me rendriez-vous l’immense service d’attendre qu’elle reprenne ses sens, puis de la ramener chez elle ? Un médecin est un confesseur… Le secret professionnel…

Il hésita un instant.

— Non, je ne peux pas, dit-il enfin. Je ne peux pas faire cela… Excusez-moi.

— Pourquoi ? implorai-je.