Page:Renard - Le carnaval du mystère, 1929.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
le carnaval du mystère

Il lut la lettre sans manifester aucun sentiment. Puis, me regardant de son œil unique :

— Alors, tu aimes les abeilles, petit ? Elles t’intéressent ? Et tu voudrais passer quelques jours avec moi ?

— Oui, maître Jacobus. J’aime bien les abeilles, et aussi toutes les autres petites bêtes, les insectes, les papillons…

— Regarde, dit-il. Tu arrives juste à point pour voir ce qu’un papillon peut faire d’une ruche.

Les ruches de paille s’alignaient en bor­dure d’un talus buissonneux. L’une d’elles, décoiffée de sa toiture pointue, montrait ses gâteaux.

— Elle est abandonnée, fit maître Jacobus. L’essaim est parti cette nuit. Et c’est un papillon qui en est la cause : un nocturne, le sphinx atropos ou sphinx tête de mort, le grand ennemi des mouches à miel.

Je me penchai sur la ruche, où je ne vis, en effet, que deux ou trois abeilles qui se traînaient, alors que tout autour de nous l’air vibrait d’un joli bourdonnement et que des vols innombrables le traversaient comme des flèches.

Je regardai maître Jacobus. Il serrait les dents.

— C’est une ruche à remplacer, dit-il. Le sphinx tête de mort y est entré, elle est maudite ; aucune abeille n’y rentrera jamais. Je me dis-