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l’homme au couteau

dent de la ville, c’est-à-dire du côté opposé à l’attaque.

Je traversai le camp jonché de cadavres. Des tentes y brûlaient malgré la pluie. Force chevaux sans cavaliers galopaient de toutes parts, dont il se fallait préserver. Ils renver­saient des soldats chancelants, piétinaient des corps et se heurtaient entre eux.

Quant à la tranchée, où je sautai, elle m’offrit un spectacle si affreux que je renonce à le décrire. Je domptai toutefois l’émotion qui d’abord m’avait pétrifié, et, me souvenant des devoirs de mon ministère, je résolus d’aller parmi les blessés, afin de leur donner les secours de la religion.

Je me trouvais alors non dans le fossé prin­cipal, mais dans une manière de petite impasse fort étroite. Et là ne gisaient que des ennemis, à l’exception d’un sergent des gardes-françaises qui ne respirait plus.

Il me sembla que je ne devais faire, à cette heure, aucune distinction entre les hommes, quelque habit qu’ils portassent et quelle que fût leur patrie. Aussi, ayant tiré de mon sein un humble crucifix, je me penchai sur nos ennemis terrassés.

Le peu que l’on m’avait enseigné de leur lan­gage me permit de me faire comprendre de ceux qui avaient encore la force d’écouter. À tous je faisais entrevoir qu’ils guériraient sans