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le carnaval du mystère

doute. Plusieurs, étant bons catholiques, vou­lurent néanmoins recevoir l’absolution. L’un d’eux, au demeurant, mourut dans mes bras.

Tandis que j’accomplissais ma pieuse besogne, un bruit me parvint qui me fit tourner la tête. Et je vis, debout, herculéen, l’un de ces terribles goujats d’armée à qui M. le Maréchal avait confié le soin que l’on sait. Armé d’un couteau, cet homme s’acquittait de sa tâche sans sourciller. Déjà deux de ses victimes avaient cessé de vivre.

Soulevé d’horreur, je me précipitai vers lui et le suppliai de se retirer, lui montrant toute la cruauté de sa conduite. Mais lui, opposant à mes prières un regard aussi froid que celui d’un fauve :

— L’abbé, dit-il, ceci n’est pas votre affaire. Je ne me mêle point des vôtres, moi ! Confessez à votre aise, je n’y trouve rien à redire, et travaillez de votre état ; mais laissez-moi travailler du mien, après vous. À chacun sa part, ici-bas.

Rien ne sut le fléchir. En vain je multipliai les exhortations. En vain je tentai de lui barrer le passage, armé du seul emblème de la Rédemp­tion.

— Vite, l’abbé ! grogna-t-il. Passez devant !

Il m’aurait tué plutôt que de céder. Que