nesse n’aurait à mes yeux nul attrait. Mais j’ai cinquante-huit ans, si je ne me trompe. Et mon âme est souvent troublée de désirs que l’état de mon corps m’interdit de combler…
— Eh bien, mais, interrompit le Diable avec un sourire qu’on aurait pu dire licencieux, la jeunesse seule…
Faust frappa du pied.
— Incorrigible bouc ! se récria-t-il. Comprends-moi donc ! Ce que la jeunesse a de meilleur en soi, ce n’est ni sa force ni sa séduction, mais l’avenir qui s’étend devant elle !
— En vérité, remarqua Méphistophélès, c’est à vous d’être obscur. Je connais une sorcière qui peut vous rendre vos vingt ans. Y consentez-vous ? Cela fait, que manquera-t-il à votre bonheur ?
— La conscience d’être jeune. Le sentiment de l’avenir. Va, je me souviens. J’étais beau. Mes membres étaient puissants, mon cerveau contenait un monde. Vie et bonheur ne faisaient qu’un. Mais, écoute bien : je ne m’en rendais pas compte. Les jeunes hommes ne savent pas… La joie de leur printemps, ils ne la connaissent, ô mon hôte ! qu’à l’heure où tombe la première neige de leur hiver. Et c’est aujourd’hui seulement que resplendit, dans ma vieille mémoire, toute la grâce de mon passé. Car c’est sans le savoir qu’on est jeune ; et ce qu’on ne sait pas existe-t-il ?