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Page:Renard - Le carnaval du mystère, 1929.djvu/233

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la vérité sur faust

— Bref, conclut Méphistophélès, vous vou­lez à la fois être jeune et ne pas l’être. Vous êtes un sage et un insensé. Sage, lorsque vous rêvez le songe dont vous venez de parler. Insensé, lorsque vous en souhaitez la réalisa­tion. Ah ! monsieur ! Enfermer votre âme pleine d’expérience dans la chair éblouissante d’un corps juvénile ! Faire, tout ensemble, que jeu­nesse sache et que vieillesse puisse ! Quel admirable monstre seriez-vous dans la Création ! Et ne sentez-vous pas qu’un tel prodige est impossible, même à… l’Autre, là-haut, qui n’a pas voulu que la couleur noire pût devenir blanche et rester noire ?…

Et comme Faust demeurait sombre :

— Allez, docteur, ce n’est pas que je renâcle à la besogne. Un pacte est un pacte. Mais : à l’impossible nul n’est tenu. Et si j’ai un con­seil à vous donner… Écoutez-moi, à votre tour. De deux choses l’une : ou l’on est jeune, et c’est, selon votre expression, sans le savoir ; ou l’on ne l’est plus, et c’est alors qu’on savoure sa jeunesse. Que décidez-vous, à la fin ? Recou­vrer vos vingt ans sans y prendre plaisir, ou vous souvenir agréablement de les avoir vécus ?

Découragé par un silence farouche, il eut un geste retombant, et fit quelques pas à l’écart.

Pro’sit ! dit Faust.