Page:Renard - Le carnaval du mystère, 1929.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
le carnaval du mystère

galerie, la silhouette immense d’un factionnaire au bonnet de fourrure.

Vassili n’aimait pas les retardataires. Pour plus de sûreté, ses invités attendaient dans le voisinage l’heure de paraître devant lui. Manquer d’exactitude, l’idée seule nous en faisait frémir. Mais Sonia en prenait à son aise, elle arrivait quand bon lui semblait, et Vassili supportait l’attente, de son mieux, avec une froideur inquiète qui montrait à quel point l’amour régnait sur ce cœur féroce.

Un soir pourtant, un soir d’hiver, Vassili, étant d’humeur joyeuse, voulut donner à Sonia une leçon de ponctualité et se divertir à ses dépens.

Nous venions d’arriver au nombre de six : Dimitri Raseski, Olga Bolevna, Gregor Levidis, Maroussia Goudoutzeva, Nathalia mon amie, et moi.

Sonia : pas encore là, bien entendu.

Je l’ai dit, Vassili était de bonne humeur, en veine de plaisanter. Cela n’avait rien de rassurant. Nous savions tous à quel fauve nous avions affaire ; les facéties d’un tigre sont toujours quelque peu redoutables ; les félins ne prennent plaisir qu’au sang et à l’effroi ; et, tout en souriant avec complaisance, nous sentions le pouce de l’angoisse au creux de l’estomac…

— Écoutez, nous allons rire ! disait Vassili.