Page:Renard - Poil de Carotte, 1902.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
179
le chat

Il n’ose bouger, tant l’œil unique, d’un jaune éclat, l’inquiète.

Le chat, par le tremblement de son corps, indique qu’il vit, mais ne tente aucun effort pour se déplacer. Il semble saigner exprès dans la tasse, avec le soin que toutes les gouttes y tombent.

Poil de Carotte n’est pas un débutant. Il a tué des oiseaux sauvages, des animaux domestiques, un chien, pour son propre plaisir ou pour le compte d’autrui. Il sait comment on procède, et que si la bête a la vie dure, il faut se dépêcher, s’exciter, rager, risquer, au besoin, une lutte corps à corps. Sinon, des accès de fausse sensibilité nous surprennent. On devient lâche. On perd du temps ; on n’en finit jamais.

D’abord, il essaie quelques agaceries prudentes. Puis il empoigne le chat par la queue et lui assène sur la nuque des coups de carabine si violents, que chacun d’eux parait le dernier, le coup de grâce.

Les pattes folles, le chat moribond griffe l’air, se recroqueville en boule, ou se détend et ne crie pas.