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vox sæculi

Donne à chacun son titre, arrache le surnom,
Laisse tous les mauvais s’embourber dans la vase,
Fait monter au grand jour les sages en extase,
Et, voulant l’équité, place, quand il le faut,
L’empereur près d’un gueux, l’aigle près du crapaud ! »

Le chant continuait. La foule réunie
Écoutait, innombrable. Alors, cette harmonie
Entraîna la pensée en un vaste chemin
D’où l’âme pouvait voir l’actuel genre humain.
Là, s’étant arrêté sur la cime gravie,
L’homme contempla l’homme et le vivant la vie.
On était ébloui d’immensité, de jour !
Et l’esprit, effrayé puis ravi tour à tour,
Frissonnait de vertige au-dessus d’un poème
Où le plus petit rien, se retrouvant soi-même,
Reconnaissait son être aux détails bien connus,
Et même en découvrait qu’il n’avait jamais vus.
Chacun se demandait : « Est-il donc Dieu, ce chantre
De qui rayonne tout, en qui tout se concentre ? »
L’amant rempli d’ardeur, le timide amoureux