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Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/155

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JULES RENARD.


Les bœufs


Tranquilles, les grands bœufs, à la lente démarche,

Viennent boire à l’endroit où l’eau dort près de l’arche.

Le dos en ligne et prompts à s’immobiliser,

Comme des bœufs ayant le droit de se griser,

Ils boivent. C’est à peine, autour d’eux, si l'eau tremble.

Enfin, rafraîchis, tous lèvent la tête ensemble ;

Puis ils s’en vont, comme ils sont venus, sagement.

Et le bouvier, très doux, pique, point méchamment,

L’un d’eux, qui, les sabots plantés comme des bornes,

S’oublie à regarder l’image de ses cornes.


Le chasseur


Pour l’affût, près d’un tronc, s’est assis le chasseur.

Le beau soir met au cœur des hommes sa douceur,

C'est l’instant où se couche en musique le merle ;

Sa dernière chanson s’égrène perle à perle.

Le bois se prépare à vivre jusqu’à demain ;

Déjà l’arbre reprend l’aspect d’un être humain.

Cependant qu’oublieux, le chasseur, sans rancune,

Tant le soir est calmant, tant est douce la lune

D’où tombe une clarté sur le taillis muet,

Regarde les lapins danser leur menuet.


Fleurs de neige


Puisqu’il neige, il vaut mieux, pour l’oiseau, ne pas vivre

Il vaut mieux s’engourdir au creux d’un nid de givre,

Et chacun met son bec sous son aile, et s’endort.

Ils sommeillent : l’hiver s’en va, l’hiver est mort.

Déjà par les jardins qui frissonnent, aux branches,

Avec profusion, s’accrochent les fleurs blanches.