Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/202

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Le petit veau roux entourait furieusement la paille comme de cercles cabalistiques.

— Si vous m’aidiez ? disait le docteur.

Il tirait des poignées de paille et les jetait au loin.

— Faisons la part du feu, ce sera peu de chose.

En effet ce fut l’affaire d’un instant.

La flamme faisait à la paille une belle crinoline rouge dentelée.

Tout à coup, comme sous une pesée énorme, toute la lourde meule s’effondra. Dans un nuage de fumée, d’étincelles et de brins de paille qui les enveloppa, Husson et le docteur crurent entendre un cri bizarre, étouffé, sorti de la meule ou de la terre.

— C’est vous, Husson ?

— C’est vous, docteur ?

— C’est donc le veau, alors ?

Le petit veau roux s’était arrêté dans sa course folle et regardait, comme s’il n’eût eu plus rien à faire.

Rapidement toute la paille fut en feu. Les flammèches couraient à leur guise. Le docteur se rendit.

Il s’excusa :

— Des pompiers même seraient impuissants.

Husson voyait fondre son bien. De grosses larmes lui coulaient des yeux.

— Ah ! elle va bien me manquer.

Le docteur eut pitié.

— Si on essayait ? dit-il.

— Vous êtes bête, doreur ; il y a longtemps que c’est fini.

Autour de la meule, la paille brûlée croulait comme des plis de jupe.