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CRIME DE VILLAGE


pour la mettre dans une pension libre, et, le dimanche qui suivit son départ, le curé, tout nouvellement arrivé au village, ignorant des colères du père Moru, tonna en pleine chaire contre la fille et le père, “ ces gens frappés d’immodestie ”, cria-t-il.

— Ah ! j’te tiens donc. Dieu me pardonne. Y avait longtemps que je l’attendais, celle-là ! Le curé regarda machinalement le bâton noueux. Mais soudain la face bouleversée du, père Moru s’adoucit, et il se mit à rire.

— Je vous ai fait peur, hein ? pas vrai, Monsieur le Curé ? Eh ! ben, tenez, j’suis pas si méchant que vous, car ce n’est pas pour dire, mais c’est pas bien, ce que vous avez fait là. Mais faut pas rendre le mal pour le mal. Les dames du château ne sont point chez elles ; vous l’savez ben, et moi aussi. Venez dîner avec moi et n’en parlons plus : ça y est-il ? Le curé, stupéfait, n’en revenait pas de tous ces événements divers. Il balbutia, hocha la tête, soupçonneux, ne pouvant croire que les choses prenaient une telle tournure, dit oui, dit non, puis, autant par crainte que par envie, accepta.

Le père Moru dit :

— C’est en ville que je vous emmène ; nous sommes plus près de la paroisse de votre confrère de G… que de la vôtre. Allons à son auberge ; nous reviendrons par les prés.

Et ils partirent au pas, le père Moru parlant de ses affaires qui allaient bien, et le curé rasséréné et reprenant d’autant mieux son courage et son humeur bénigne que la faim grandissait et que l’auberge approchait.

Quand ils furent arrivés, le père Moru commanda