Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
LXVII
PRÉFACE.


et les laveuses, les tricoteuses, les nourrices, qui ne joignent les deux bouts qu’à la condition de tirer fortement ! Aussi envient-ils le cantonnier qui travaille peu et qui a sa retraite assurée, le sabotier, le menuisier, le charron et le facteur.

Tous ont leurs habitudes, leurs préjugés, leurs traditions et leur trésor de légendes. Cousine Nanette a fait deux trous au bas de sa porte, un pour laisser passer le chat, l’autre pour le tonnerre. " Celui du tonnerre est plus petit car elle le sait bien capable, s’il veut, d’enfiler une perle. " On veille, les soirs d’été, sur les bancs plantés près des portes, les soirs d’hiver, dans les maisons où l'on teille le chanvre. Les malades se soignent mal ou ne se soignent pas du tout, par ignorance ou par avarice. La seule chose qu’ils aient héritée de leurs ancêtres, avec des terres insuffisantes et de pauvres maisons, ce sont des recettes et des croyances dans la vertu des simples et de certaines pratiques. Ils connaissent la Dame Blanche et la cave de Bîme qu’ont creusée " les révolutionnaires de 89. " En 1870, ils ont vu le soleil couchant tout rouge, et ils ont pensé : " Le sang prussien et le sang français se battent l’un contre l’autre. " Certains ont fait cette, campagne. D’autres, plus vieux, sont allés en Crimée et en Italie.

Sur la guerre, comme sur tout le reste, ils ont les idées les plus simples du monde : ils n’en veulent pas, mais, a l’instar de tant d’autres, ils se la font entre eux. Ils la font aussi aux étrangers, nomades de passage, pauvres gens venus de quelques lieues de distance se fixer parmi eux.

Leurs plaisirs ? Le premier janvier où l’on boit la goutte, le Quatorze juillet, la fête patronale, les mariages où l’on danse le branle, " ancien comme la plus vieille maison du village. Ils dansent avec des sabots.