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Page:Renee-dunan-entre-deux-caresses-1927.djvu/188

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ENTRE DEUX CARESSES

l’excès. Mexme, lui, se dose avec rigueur. Il boit peu et s’efforce de vivre en ascète. Mais l’autre ne suit qu’un changeant instinct de midinette des faubourgs. Et toujours il affirme la qualité de ses caprices contre la raison ou contre les faits.

Et voilà qu’une haine le prend contre Mexme dont il se sent méprisé. Il songe à le tuer. Ah s’il avait le sabre d’abatis…

Ils trouvent enfin le fleuve. Le lourd et boueux Maroni coule largement entre ses rives forestières où rien d’humain n’est visible. Les souches pourries, la terre marécageuse, la senteur fraîche des eaux proches et certaine buée aperçue à l’ouest de sa marche ont fini par guider Mexme. Maintenant il faut traverser. En face c’est la Hollande. Tout un jour l’ancien banquier réfléchit et examine le terroir. Il surveille surtout la vaste étendue liquide, car il craint d’être près de ces criques où souvent les surveillants du bagne viennent s’embusquer. Là, ils savent tuer à distance le hardi gaillard qui tente la traversée, ou même qui se montre sans précautions à travers la palustre végétation des rives.

En effet, peu après l’arrivée des deux hommes une barque descend le courant. Un noir la dirige, d’aspect innocent. Une petite tente basse occupe le milieu du bateau. Mexme sait que des jumelles et des fusils, avec des hommes habiles, sont sous cette tente et guettent les bords du fleuve. Malheur au forçat évadé qui construit son radeau