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dont la terrasse encombrée avait vraiment bonne figure. Une table était vide, elles s’y précipitèrent :

— Là, on va être bien ! dit Zine avec satisfaction, et ça frime…

Elles burent de nouveaux apéritifs, avec de la glace, de l’eau de seltz et des pailles. C’était le grand luxe.

— Regarde, dit l’une, cette môme, si elle est un peu là !

C’était une petite gosse de leur âge, mais qui portait deux choses ahurissantes pour ces gamines, une canne et une serviette d’avocat.

Toutes trois la dévisagèrent avec nargue. Impassible, la fillette, très droite, affectant une dignité quadragénaire passait parmi les regards étonnés.

À côté des trois arpètes un jeune homme grasseyant, expliquait :

— Je suis sûr que c’est un tapin. Elle porte sa serviette d’avocat simplement pour épater les bours. C’est marle tout de même, on n’oserait pas la grouper. Elle a le chic des filles du grand monde.

— Tu crois, demanda Zine à la petite brune, plus avancée qu’elle dans la connaissance des humains, tu crois que les filles riches sont comme ça ?

— Oui, répondit l’autre, mais avec des jupes plus courtes et montrant encore plus leurs nichons, tu comprends !

— Ah ! conclut Zine, faudra que j’achète une canne aussi.

Et elle suivit d’un œil plus amical la fillette qui s’en allait rigide et hautaine sans regarder personne.

— Gaffe la vieille poule !

À l’exclamation de l’amie brune, Zine éclata de rire devant une femme aux appâts croulants et non étayés, vêtue d’une robe collante, posée visiblement à même sur la peau, et qui passait, orgueilleuse, avec un regard mouillé vers les hommes jeunes.

— Mate… mate aussi le bossu.

Et toutes les trente secondes, elles se montraient quelque