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curiosité, un garçon chauve, une femme boiteuse, un homme-sandwich, un curé, un officier, un beau gars, une dame du trottoir aux seins exubérants, au regard appuyé, à la démarche saccadée, qui faisait sauter à chaque pas sa poitrine dans le corsage étroit.

Et ce fut encore une jolie femme, admirablement habillée, qui fit ricaner les trois fillettes jalouses, puis un homme grisonnant, à la face belle et lasse, qui, en passant, appuya sur les trois jeunes buveuses un regard si déshabilleur et si salace qu’elles en sentirent une gêne et une inquiétude confuse. Leur conversation s’en arrêta net. Elle reprit devant une grande bringue au masque chevalin, parlant haut en anglais avec un gaillard à mâchoires excessives, sans chapeau, et vêtu simplement d’un pantalon et d’un pull-over polychrome.

Ensuite passa un journaliste âgé et ricanant, qui causait avec un confrère plus jeune. Il disait :

— Parfaitement, moi je descends tous les soirs sur le tas.

Les enfants que l’alcool enhardissait se mirent à rire au nez du brave homme qui répondit par un signe amical :

— Dire, murmura-t-il à son compagnon, que ces trois gosses-là viendront m’y retrouver…

— Hormis, lui répondit l’autre qu’elles n’auront ni votre villa à Nice ni votre propriété à La Garenne.

— Elles auront des châteaux ! riposta le vieillard.

— Et la vérole…

— Quelles andouilles ! méprisa Zine qui avait à demi suivi la conversation.

Et, payant vite, elle se leva :

— Au revoir, les gosses, à demain soir ici, je me fais le patatrot.