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initiation brutale que je te refuse parce que je suis intelligent, c’est-à-dire vicieux et raisonnable malgré moi. Si j’étais un imbécile, je n’aurais pas le sentiment qu’à abolir ta virginité, je fais pression sur ton avenir et que peut-être je me rends responsable des soucis qui te viendraient ensuite. Ah ! Zine, être un crétin, quel abîme de bonheur…

Et, se reprenant, il souriait avec nonchalance :

— Malheureusement, ils n’en ont pas conscience, et le bonheur qu’on possède sans le savoir ne ressemble à rien du tout. Ah ! Zine !…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Zine s’en allait maintenant par les rues de Paris. À cette heure, ses compagnes œuvraient sous le regard dur d’une chefesse d’atelier surnommée Tante Poil…

Elle regardait toujours les étalages avec concupiscence et roulait dans sa petite tête les conseils narquois et paradoxaux de son ami.

Au fond de sa pensée, elle songeait trouver un véritable amant, puis revenir s’offrir à ce protecteur dont le sourire l’enfiévrait : « Maintenant je suis à toi. » Mais trouver un amant, chose pourtant si facile, cela semblait à Zine, hérissé de difficultés.

À ce moment, comme elle quittait la vitrine d’un bottier, elle se heurta à un homme âgé et souriant qui s’était placé sur sa route pour l’accoster :

— Ah ! ma petite, excusez-moi, je vous ai peut-être fait mal.

Il abondait en pardons, l’air brave homme, avec une flamme dans l’œil.

— Mais non, monsieur.

— Vous ne travaillez pas, ce matin, mademoiselle, que vous semblez flâner ?

— Non, monsieur, je suis libre et maîtresse de moi. Ce disant, elle se cambrait et faisait ressortir ses petits seins.

— En ce cas, mademoiselle, voudrez-vous faire quelques pas avec moi ? Même, puisque vous êtes libre, nous