Page:Renee Dunan Une môme dessalée 1927.djvu/30

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Elle s’attardait, hésitante et prise d’un grand désir de disparaître.

— Allons, remue-toi, on ne va pas passer tout l’après-midi ici.

Elle demanda craintivement :

— Si on attendait ce soir, dis ?

Il haussa les épaules.

— Assez d’histoires et de chichis. Maintenant, le président de la République lui-même n’y pourrait rien, tu dois y passer.

Elle sentit les pleurs lui venir aux yeux, puis le courage d’affronter les événements reparut en elle, et, fermement, elle se dévêtit.

Elle se souvenait des amies de l’atelier qui contaient leur premier jeu amoureux. Les unes disaient que la douleur avait été atroce. D’autres, que dès le début c’était délicieux. Qui croire ?

— Tu te déshabilles aussi ? demanda-t-elle à son compagnon qui la regardait froidement, sans un sourire affectueux, sans un geste amical, sans une caresse.

Il se mit à rire.

— Penses-tu que je vais quitter puis remettre mes frusques. Bon pour une femme de qui ça doit être le métier de les enlever cent fois par jour.

Et il la prit d’un geste brutal et pourtant si dominateur qu’elle s’abandonna comme entre les pattes d’un tigre. Les yeux fermés, elle attendait la volupté.

La douleur atroce lui fit pousser un cri aigu. Comme l’homme protestait contre cette clameur, elle se mordit les lèvres et se crispa. Elle surveillait toujours son propre corps, épouvantée de ne sentir que sa souffrance, quand l’amant, déjà relevé et froid, la regardant de haut avec un rire cruel, dit enfin :

— Alors, tu t’apprêtes. On s’en va.