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— Mais que faut-il faire ? demanda l’enfant soudain apeurée.

— Ah ! voilà. Je cherche. Il serait bon d’éviter les insuccès qui vont te suivre désormais, ici…

— Dis-moi ma pente ? demanda Zine en lui tendant ses lèvres.

— Nous allons y penser cette nuit, car tu m’appartiens aujourd’hui et je veux voir si tu as profité des leçons que les hommes sans le vouloir donnent toujours aux femmes.

— Oh ! oui, que j’en ai profité, tu verras.

Ils passèrent une nuit ensemble. Zine en sortit étourdie et les reins las. Elle qui croyait avoir goûté à tous les fruits du plaisir, elle qui pensait que rien ne pouvait plus lui être révélé d’original en amour, elle venait de passer une nuitée à apprendre comme une élève d’ailleurs douée et de bon vouloir.

Elle disait à l’homme ironique et savant en Éros :

— Où as-tu appris ces choses, dis ? Tu me sembles le diable lui-même, auquel je ne crois d’ailleurs pas, mais qu’on affirme être le grand roi de tous les vices.

Il répondait :

— Zine, l’amour est une chose infinie pour qui n’y cherche plus des sentiments, mais seulement des sensations. Je regrette parfois de ne plus savoir aimer comme une fillette ou une épouse chaste et pourtant adultère qui colore son vice de mille douceurs tendres. Mais je suis comme je suis, et au lieu de m’en plaindre comme tant d’imbéciles qui poursuivent la chimère de goûter autre chose que la vibration de leurs sens, je donne à mes nerfs las et subtils l’aliment qui leur convient.

Au matin, Zine disait :

— Tu m’as mise en bel état. Avec trois amants comme toi je serais morte en quelques semaines, il répondit alors :

— On ne meurt jamais de cela. Quand on dépasse la dose supportable, le corps refuse d’entériner l’expérience. Le monde n’est pas si mal fait que tu sembles croire,