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Page:Renel - La Race inconnue, 1910.djvu/274

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M. l’administrateur s’ennuyait. Il était devenu presque insensible au charme mélancolique de ces paysages, où d’étranges oppositions se font entre les couleurs ternes du sol et la chaude lumière du ciel, où le matin s’éveille et le soir s’endort en de merveilleuses symphonies colorées. Trop souvent il avait vu se lever et se coucher le soleil au bord de ces mêmes horizons ; il n’avait ni l’imagination d’un poète, ni l’œil d’un peintre, et la propreté des gîtes d’étapes le préoccupait plus que la couleur des montagnes.

La journée avait été particulièrement monotone, en ce pays désolé, sous un soleil implacable. Pendant une heure, il s’était distrait à regarder les gens qui revenaient du marché de Saboutsy ; des fermiers drapés dans les lambas blancs, le visage caché sous les bords des grands chapeaux de paille, porteurs de longues cannes qu’ils balançaient, d’un geste héréditaire, comme des sagaies, – d’anciens esclaves à la chevelure crépue, à la peau noire, leur torse nu ruisselant de sueur sous le poids des charges, – des marchands houves avec leur pacotille, – des familles dont chaque membre portait une soubika de riz appropriée à sa taille et à sa force, – des femmes betsileo, aux larges figures bronzées, aux boucles de cheveux aplaties, tressées les unes au-dessus des autres comme de minuscules paillassons. Elles allaient d’une allure fière et souple,