— J’étais décidé à rentrer en France, et à ne plus remettre le pied dans ce sale pays malgache, de crainte d’y laisser mes os. J’aimais mieux essayer quelque chose ici, dans mon trou de Savoie, à l’air salubre des monts couverts de sapins, où tombe, l’hiver, la bonne neige froide, où les moustiques vous piquent, l’été, sans donner de fièvre. Comme je connaissais depuis longtemps Tananarive, j’avais eu la fantaisie de descendre à la côte par Manandzary. J’emportais avec moi l’or recueilli pendant les dernières semaines, pour une valeur d’à peu près quatre mille francs. La poudre précieuse, incluse dans de minuscules sacs en toile, était enfermée dans une sacoche qui ne me quittait pas. Maintenant que j’étais riche, je voyageais en filanzane, avec huit porteurs et quatre bourjanes de bagages, comme un fonctionnaire.
Ce soir-là, j’étais parvenu de bonne heure à l’étape, un village perdu en pays Tanala, dans la forêt. Situé tout au fond d’un cirque de montagnes boisées, au bord d’un torrent, ce lieu est triste : il y tombe presque toujours de la pluie ou du brouillard. Le gîte d’étape, à une cinquantaine de mètres du village, à quelques pas de la rivière, n’était qu’une pauvre case en bois et en roseaux, construite et aménagée à la mode du pays. Les deux portes se faisaient face : de simples claies de zouzourou, maintenues par une liane. J’avais l’habitude de