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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

pierres sèches formait les côtés ; une grande stèle de gneiss marquait la place où dans la chambre sépulcrale gisaient les morts les plus vénérés. Une large dalle brute, jetée sur un tas de terre fraîchement remuée, fermait à l’Ouest le couloir d’accès. Sur le tombeau séchaient des gerbes de riz : un gamin veillait, une gaule à la main, pour en écarter les poules.

D’autres monuments pareils s’alignaient sur la triste colline rouge, dressant dans le ciel, en un geste de commémoration, leurs pierres levées, rongées par la lèpre des lichens. Tandis que Claude s’émouvait, aucune pensée mélancolique n’assombrissait le visage de Zane : debout, toute gracieuse, en une pose un peu abandonnée, elle ne songeait même pas aux êtres de son sang couchés sur les dalles froides de la Maison-des-morts. Car ils n’ont plus rien à voir avec la douce vie, et, quand on apporte un nouveau venu pour le réunir aux Anciens dans la Case-de-pierre, le Maître-du-deuil, debout sur le tombeau, parle en ces termes :

— Maintenant, toi qui es mort, reste avec les morts, et laisse-nous, vivants, vivre avec les vivants. Ta maison est ici désormais, n’erre pas çà et là, ne viens pas nous tourmenter ni nous rendre malades ! »

Les morts dociles obéissent, et les vivants ne se préoccupent plus d’eux, sauf aux jours de commémoration.

Dans les yeux de Zane, Claude admirait la joie de vivre, sereine et égale, il enviait l’inconsciente philosophie des Malgaches, peuple