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Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/11

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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

que officier, se promenait sur le pont de long en large, berçant un poupon ; il chantait au bébé blanc, pour l’endormir, des airs de son pays, des chansons sakalaves ; et ce soldat bronzé aux jambes nues rattachait déjà Marseille à Madagascar.

Claude Saldagne voyait fuir, sans nul déchirement, les côtes de France, et ne se sentait point emporté vers l’exil. Presque tous les voyageurs du reste semblaient enchantés de partir. Il y avait bien eu quelques pleurs versés, quelques mouchoirs agités, tout à l’heure, quand le Melbourne était encore à quai et qu’une clochette du bord avait donné à tous les non-passagers le signal de descendre à terre. Mais ce n’avait été qu’une minute au milieu du va-et-vient affairé qui précède le départ. Maintenant le vent de la marche du bateau avait tout emporté. En bas, des gens déjeunaient ; le cliquetis des assiettes, des fourchettes et des couteaux accompagnait le bruit sourd et saccadé de l’hélice. Quelques personnes, sur le pont, installaient leurs chaises de bord aux bonnes places, se préparaient des habitudes pour la traversée. D’autres liaient connaissance avec les compagnons de route imposés par le hasard.

Soudain Claude s’aperçut qu’il était seul à regarder la côte, petite ligne blanche déjà moins précise à l’horizon. Un peu de lassitude, avec un grand apaisement, chassait de son cerveau toute pensée active, l’incitait au repos. Il alla chercher, lui aussi, son fauteuil de toile, et, le long du bord étendu à l’ombre, il se prit à rêver.