Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

chenille les empêche de s’arracher du fleuve, où ils demeurent à demi plongés. Leur arrière-train est immergé comme une quille, tandis que leur avant-train, porté par les ailes, se dresse sur l’eau ; ils vont très vite, laissant derrière eux un minuscule sillage triangulaire. Les mâles sont noirs avec des ailes pareilles à celles d’oiseaux ; les femelles sont blondes, ont de fines petites ailes blanches de papillonnes. Les mâles volent sur l’eau, comme emportés par des voiles, d’un vol rectiligne très rapide, coupé brusquement de zigs-zags, en quête de femelles, qu’ils fécondent en passant. Quand ils sont las, ils replient l’une contre l’autre leurs ailes transparentes et se noient lentement dans les remous, semblables avec leur long corps noir et leur queue bifide, à de minuscules hirondelles. Les femelles, plus fragiles et plus abîmées, paraissent de pauvres loques informes. Entre six et huit heures du matin, à certaines époques, l’Ikioupe est couvert littéralement de ces éphémères ; le soleil meurtrier se lève, les petits cadavres deviennent de plus en plus nombreux ; à midi, tous sont morts, mais une nouvelle génération renaîtra le lendemain sur le fleuve, pour recommencer les mêmes jeux de l’amour et de la mort, et perpétuer l’espèce des papillons d’eau.

Claude contempla longuement ces êtres plus éphémères que les feuilles des arbres, comparées souvent aux générations des hommes par les poètes de sa race ; presque aussi périssables que les loules lui paraissaient les Malgaches four-