Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/69

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est à gouverner. Il faut une relation déterminable entre ce qui sépare ou assemble, et ce qui est ainsi mis en œuvre ; il n’y en aurait aucune de concevable, s’il n’y avait pas de fin aux êtres, pas de terme au nombre des mondes produits par la puissance, quoique illimitée, de cet immanent démiurge. Anaximandre suppose des mondes évolutifs qui se font et se défont, mais non pas donnés en nombre actuellement infini, comme devait le faire plus tard Démocrite, inventeur de la Substance infiniment multiple et privée de fonction démiurgique.

La comparaison de la doctrine d’Anaximandre et de celle de Pythagore, son contemporain, peut-être plus jeune, nous montre, à cette origine de la philosophie, deux directions opposées. L’une est le début des théories de la Substance physique, avec des qualités plus ou moins multipliées et un principe actif inhérent ; dans l’autre, le pouvoir constructeur et directeur est l’unité abstraite, assimilable à l’Inconditionné sous d’autres dénominations, principe du Nombre, d’où toute détermination procède (X). Les Idées et les Formes succédèrent aux Nombres, dans le développement de ce second point de vue. La doctrine éléatique et, après Platon, l’idéalisme tiennent du pythagorisme en leur esprit le plus profond ; c’est à Anaximandre que remontent les théories de l’unité universelle, et avec Démocrite que commencent celles qui divisent la Substance et ramènent la qualité à la quantité dans les phénomènes.

XXIII

L’unité de substance. Héraclite. Straton. Les stoïciens. — Empédocle, en remplaçant la Substance, sous