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LA PETITE LAITIÈRE

est-il de concert avec eux ! — Vous me trouverez ma fille, monsieur ! — Paix ! la bonne ! — Mais, monsieur ! je veux ma fille ! — On la découvrira ; et mon petit scélérat de neveu… Moi qui l’avais si bien élevé !… Tenez, venez voir, la laitière ; ils ont fait fracture ! Il la mena dans la chambre de la coulisse. Ensuite, il lui raconta comment le portier, après avoir ouvert, ayant fait réflexion qu’il ne savait pas qui était sorti, avait appelé les domestiques : personne ne manquait. Il avait alors été à son maître, qui était d’abord descendu à la chambre de Suzon, où il ne l’avait pas trouvée. Toute la maison avait couru après eux, du côté que le portier avait entendu marcher en sortant ; mais on n’avait pu les rattraper. La laitière pleura sa fille ; elle se lamenta : le vieillard lui donna vingt-cinq louis, en attendant, lui dit-il, afin de l’apaiser. Elle sortit assez contente, et vint rejoindre sa fille et de Neuilli, qu’elle trouva en laitière, et elle les emmena tous deux à son village.

Ce fut alors que l’ignorant jeune homme se crut au comble de ses vœux. Il ne quittait pas Suzon, qui travailla de son métier de couturière, et qui montra même à son amant, pour le mieux cacher. Elle avait soin de ne le laisser parler à personne ; son ignorance surtout en était le motif, et elle le lui fit goûter. Quant à la mère de Suzon, elle retournait journellement à Paris. Dès le lendemain, elle apprit à M. Desgrands qu’elle avait sa fille chez elle. — Et mon neveu ? — Il s’est caché, à ce que m’a dit Suzon, pour s’instruire ; et il ne veut plus revenir chez vous. Il dit que vous avez abusé de votre pouvoir sur lui ; que si vous faites la moindre démarche à son sujet, il ira se plaindre, et vous déshonorera. M. Desgrands fut effrayé : il erut, en entendant ce que lui disait la laitière, que son neveu s’était consulté ; qu’il avait quelqu’un qui prenait ses intérêts. Il alla lui-même prendre conseil : — Un homme (dit-il au jurisconsulte) avait un neveu, qui mourut. Comme cet homme a des raisons pour avoir ce neveu, il lui a substitué le fils d’une pauvre femme