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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/185

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D’UN HOMME DE QUANRANTE-CINQ ANS

plut ; je sentis qu’elle ne pourrait me consoler et je m’abandonnais plus que jamais à Sara. Rien au monde n’est aimable comme ma fille, pensai-je… Mon attachement s’accrut par le moyen de guérison que j’avais envisagé en cas d’oubli ou de changement de sa part. Ce qui prouve bien que c’était une fatalité, c’est que depuis, j’ai rencontré vingt fois l’aimable brune, que je l’ai trouvée charmante, adorable ; mais ma conduite, le jour où elle me déplut, l’avait tout à fait indisposée, cette ressource m’a manqué au besoin.

J’approche de l’époque fatale. Nous en sommes au 12 mai. Sara, fausse à mon égard pour la première fois, me parla de mon rival, comme d’un comte italien, qui la remarquait au boulevard. Mais c’était en l’air qu’elle tenait ses propos et, j’ai su depuis, que mon rival étant fort brun, elle l’avait cru Italien à la simple vue.

Quinze jours s’écoulèrent. À cette époque, Sara, auparavant tendre, presque respectueuse à mon égard, changea tout à coup de caractère ; elle devint folâtre, enjouée (elle m’avait prévenu depuis longtemps que c’était son caractère dans sa jeunesse) ; mais ce qui me surprit, c’est que son badinage allait jusqu’à l’indécence, Elle agissait quelquefois avec moi comme une fille, elle si modeste jusqu’alors ! même en cédant ! D’autres fois, elle avait le sans-gêne des vieux mariés, qui se savent par cœur et ne rougissent plus de rien. Je ne sus à quoi attribuer ce changement ; je crus qu’elle reprenait son ancienne gaité et que mon attachement la lui avait rendue. On se flatte toujours. Enfin le 29 mai arriva.

J’étais sorti toute la matinée. En revenant, et assez près de la maison, je rencontrai la mère et la fille en voiture. Je ne les voyais pas ; la mère m’appela. Il y avait plus de quinze jours que je ne lui avais parlé. Elle me dit qu’elles allaient au Palais-Royal. La fille était très parée et ravissante ; elle parut me voir avec humeur. J’étais bien loin d’avoir cette idée ! Je la croyais forcée de sortir et je comptais sur une lettre ; mais on allait trouver le nouvel amant, à qui on avait donné ce rendez-vous et