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LA DERNIÈRE AVENTURE

dès que j’entendis une marche de femme accourir, je la saluai respectueusement, et je me retirai, non pas encore amoureux, mais enchanté.

Le lendemain, sur les neuf heures, je rendis une visite à la jeune personne. Je la trouvai seule ; M. son frère et son tuteur, avec lequel elle demeurait, était en campagne pour quelques jours. Elle me reçut avec beaucoup d’égards, me pria de m’asseoir, et nous causâmes. J’étais si poli, si respectueux ; elle était si naïve, si bonne, sans être sotte, que nous fûmes à notre aise au bout de quelques instants. Je la trouvais adorable ; je restai plus d’une heure, qui me parut une minute : mais enfin craignant l’indiscrétion, je pris congé de l’aimable personne, en la priant de me permettre de revenir. « Je vous recevrai avec plaisir, monsieur, vous êtes un honnête homme, à qui j’ai de l’obligation ; je ne l’oublierai jamais. »

En sortant, je me promis de revenir le lendemain. Mais, le soir, vers les neuf heures, je me trouvai dans le quartier de la jeune personne. Je levai les yeux, et je la vis à la fenêtre. Je ne pus résister à l’envie de monter. J’y allai donc en hésitant un peu. Je frappai timidement, à cause de l’heure, et je l’entendis venir écouter. Je redoublai. « Qui est-ce ? — Votre connaissance d’hier à pareille heure, mademoiselle. » Elle entr’ouvrit, et m’ayant aperçu, elle montra une joie obligeante de ma visite. Ce moment fut un des plus agréables de ma vie. Je me mis avec elle à la fenêtre, et nous nous accoudâmes sur le balcon, pour causer. L’obscurité nous enhardissait ; nous parlions comme d’anciennes connaissances. La voisine d’à-côté nous entendit. Elle sonna ; ma belle ouvrit aussitôt. « Mon Dieu ! que je suis aise que M.Bàlïn soit arrivé. — Il ne l’est pas ! — Je viens de l’entendre ! — C’est monsieur que voici. » Elle la conduisit dans la pièce où j’étais encore appuyé sur la croisée. Cette femme me salua d’un air interdit, et regardant sa jeune voisine : « Mais, Louise, je n’ai pas l’honneur de connaître Monsieur. — Et moi, j’ai cet honneur-là, répondit la charmante fille. » Je pris aussitôt la parole, de peur qu’une nouvelle question n’embarrassât l’aimable