Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
41
ALCIBIADE ET FLORE

mais, entraîne par le plaisir, il continua de danser et de courir avec ses compagnons.

De retour chez son père, il se trouva plus abattu que fatigué. On le mit au lit. D’abord, on regarda son état comme une sorte de courbature et l’on crut qu’un peu de repos le remettrait. Cependant la maladie fit des progrès rapides. Les parents alarmés se hâtèrent d’envoyer chercher des secours à la ville la plus prochaine. Les médecins jugèrent qu’il était attaqué d’une fièvre maligne, d’autant plus dangereuse, que la saison où l’on était est une de celles qui peuplent davantage les rives du Styx. Les remèdes, loin de soulager Alcibiade, aigrissaient son mal ; soit que l’alternative du chaud et du froid eût altéré son sang, ou que quelque contagion apportée de Turquie, ce qui est commun en Sicile, eût infecté l’air. On désespéra de sa vie ; mais son âge, la force de son tempérament, les soins qu’on lui prodigua, le mirent enfin hors de danger. Sa convalescence fut longue.

Flore, dont le cœur était excellent, n’avait pu voir Alcibiade à l’extrémité, sans y être sensible. Par un sentiment dont elle n’avait pas été maîtresse, elle avait demandé à lui rendre des soins, pour soulager sa mère et elle ne l’avait pas quitté un moment durant le cours de la maladie ; elle continua d’être assidue près de lui, tant que la convalescence dura. Elle mit en usage toute sa douceur, toutes ses attentions, tout ce que son esprit put lui fournir d’amusant pour prévenir les effets de l’ennui sur son jeune voisin et accélérer son rétablissement parfait. Le cœur d’Alcibiade avait toujours été tranquille. Il ignorait les charmes qui se trouvent dans la société d’une compagne douce, attachée, prévenante. Son âme s’ouvrit à ce plaisir, comme la rose aux rayons d’un beau jour. Sa tendresse excitée, se confondant avec la reconnaissance, lui dicta mille remerciements affectueux.

Un ton si nouveau émut Flore et lui inspira un intérêt qu’elle ne s’expliquait pas. Ce n’était plus la bonté de son naturel, ni la simple amitié qui la conduisaient ; un mobile plus fort, un pen-