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ALCIBIADE ET FLORE

journée aux transports de la joie, on conduisit les nouveaux mariés au lit nuptial. Morphée ne fut pas le dieu que ces jeunes époux fêtèrent le plus. Le lendemain, Flore, semblable au lis arrosé par l’aurore, se montra plus belle qu’auparavant, et mieux parée de ses grâces que de la simarre la plus ornée.

Alcibiade et Flore, toujours enchantés l’un de l’autre, donnèrent l’exemple d’un couple fidèle et qui puisait dans son union la félicité la plus pure. Les délices de leur état firent avouer aux personnes les plus éprises de la liberté qu’une tendresse légitime est la source unique du bonheur et qu’un hymen bien assorti changerait en l’Élysée la triste demeure des gnomes.


En achevant cette Nouvelle. Sara m’en expliqua fort au long les rapports. « L’homme, me dit-elle, qui se désigne par le nom d’Alcibiade, est fort riche : ayant fait connaissance dans une campagne, à quelques lieues de Paris, d’une jeune et grande personne, peu fortunée, il lui proposa de venir tenir sa maison, sous le nom de sa parente et d’accepter son cœur avec la moitié de sa fortune. Elle y consentit quand elle se fut bien assurée que ses vues étaient honnêtes, et un contrat cimenta leur arrangement, qui laissait à chacun d’eux la liberté de se marier.

« Ce fut dans les premiers temps de cette liaison où ils étaient l’un et l’autre heureux et contents, que le monsieur fit cette Nouvelle où il peint, sous des traits généraux, la tendresse dont la belle Flore a payé ses sentiments. Ils doivent avoir été bien heureux, à ce que j’imagine, car elle était beaucoup plus jeune que lui et elle l’aimait autant que j’aimerais à sa place ! — Je vous promets, mademoiselle, lui répondis-je, de faire aussi une Nouvelle, non de ce qui est arrivé, mais qui soit la peinture fidèle des sentiments que vous m’inspirez. Je vous proteste d’avance que fussé-je amoureux de vous à la fureur, je ne vous aimerais jamais que pour vous-même et que, dès que j’aurais découvert un homme capable de vous rendre plus heureuse que je ne le ferais, je lui céderais la place. C’est ce que je me propose d’exprimer dans une Nouvelle que je vais commencer dès le moment