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LES DEUX CINQUANTENAIRES

était satisfaite des vues que lui exposait M. de Blémont ; son cœur en était douloureusement flatté ; mais enfin, cette liaison était son ouvrage, et la raison l’emportait sur le sentiment.

Au retour, Élise garda le silence au sujet de M. de Blémont, à cause de sa mère. Mais le lendemain, ayant trouvé le moment de causer avec Parlis sans témoins, elle ne lui déguisa rien. « Êtes-vous contente de mon ami ? » lui dit-il. Élise répondit par un sourire des lèvres, qui marque si bien qu’on a été trompé dans son espérance. Mais Parlis était trop loin de soupçonner la vérité, pour y rien comprendre. Il estimait son ami ; il lui croyait une âme sensible autant qu’honnête ; il présuma toute autre chose que ce qu’Élise voulait lui faire entendre. Il continua de l’interroger, d’après son erreur. « Peu d’hommes vous ressemblent, lui répondit la jeune personne avec une sorte d’attendrissement, il en est peu qui sachent faire oublier la distance des âges, par la générosité des sentiments, et cette tendresse paternelle que vous m’avez témoignée. — C’est que j’ai le cœur jeune, lui répondit Parlis en souriant ; mon âme est la même qu’à vingt ans, et plus tendre encore, car à cet âge, égal en agréments à celle qui m’inspirait de la tendresse, je ne croyais pas que le retour de sa part fût une grâce ; au lieu qu’aujourd’hui, belle Élise, si une jeune beauté venait à marquer de l’indulgence pour mon empressement, je croirai lui devoir infiniment de reconnaissance ; elle serait pour moi une divinité bienfaisante, qui me ranimerait et me rendrait les plaisirs de ma jeunesse : plaisirs ravissants, dont j’ai perdu l’espoir ! — Quoi ! je ferais ce miracle ! reprit Élise en souriant. — Vous pourriez le faire : mais avec des conditions difficiles, si ce terme convient ; car on ne doit pas nommer difficile, ce qui ne dépend ni de la volonté, ni de la vertu. Il est de belles actions qui sont difficiles : mais on peut les faire, à force de sacrifices, de courage ; au lieu que le goût, l’amour, le penchant nécessaires pour rendre heureux un homme délicat, cela est au-dessus de toute vertu ; les efforts de la volonté n’y peuvent rien ; il faut que cela vienne tout seul. — Je crois en effet, monsieur, que seule, et d’elle-