Page:Retté - Le Symbolisme. Anecdotes et souvenirs.djvu/177

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on m’introduisit dans une sorte de bureau très poussiéreux où s’entassaient sur la table, sur les chaises, sur le divan, des livres, des manuscrits, des partitions, des dessins, des chapeaux de différentes formes, des cravaches, une paire d’éperons, un banjo, des fleurs fraîches, d’autres fanées — tout un inénarrable capharnaüm que bouleversait encore une famille de chats fort occupés à se poursuivre de meuble en meuble, en miaulant, grinçant et griffant.

Un grand diable, aux prunelles singulièrement dilatées, à la chevelure ébouriffée, vêtu seulement d’une chemise de flanelle et d’un caleçon, jaillit d’une porte soudain ouverte. Sans préambule, il m’arracha la lettre que je lui tendais en balbutiant les phrases quelconques qui sont de circonstance et il se mit à marcher de long en large, donnant de loin en loin un coup de pied aux chats, une tape au binocle qui califourchonnait son nez, prodiguant d’inquiétantes grimaces et, cependant, lisant la lettre.

Quand il eut fini, il vint s’asseoir en face de moi et me demanda : « Vous connaissez lord Glenarvon ?

— Un peu, répondis-je.

— C’est un charmant garçon... Et alors vous venez étudier Paris et ses littérateurs ? »

Je confessai que tel était mon désir.

— Ce sont de charmants garçons.... Et après ?

Je racontai par le menu mes aspirations et mes ambitions, mes velléités et mes curiosités et Oscar Wilde