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D I A L O G V EI I.

eſ‍t bien conſiderable pour auoir compaſsion de la royne d’Eſcoſ‍ſe. Auſsi vraye iuſ‍tice doit eſ‍tre accompagnee de compaſsion, & vuide de toute cholere, malice & cruauté. Mais que pour vne pitié, il faille au lieu de iuſ‍tice faire iniuſ‍tice : & s’il faut auoir pitié, en auoir plus d’vne ſeule perſonne, que de tout l’eſ‍tat vniuerſel, ce ſeroit meſurer à fauſ‍ſe meſure, & poiſer à faux poids la clemence, & l’humanité, car s’il faut eſ‍tre pitoyable, ce ſeroit pluſ‍toſ‍t eſ‍tre cruel, que humain, pour ſauuer vn particulier, que on n’aye point de pitié de tout vn peuple, de tant de nobleſ‍ſe, de tãt de familles, deſquels la mort, le pillage, la ruine, & la miſere eſ‍toit toute proiettee par ceſ‍te conſpiration, & ne ſcauroyent eſ‍tre aſ‍ſeurez que par la punition du chef de la coniuration.
Il y a eu des Empereurs qui ont pardonné les conſpirations : Veſpaſien les meſpriſoit toutes, par ce qu’il s’eſ‍toit perfuadé, qu’il ſcauoit le iour, heure, & eſpece de ſa mort.
Ce ſont des exemples dãgereux à imiter : comme de ce pere, qui ayant deſcouuert que ſon fils le vouloit tuer, le mena en lieu où il eſ‍toit ſeul, luy baille l’eſpee, luy dit qu’il le tuaſ‍t, s’il vouloit. Il y a plus de temerité en tels exemples, que de clemence.
Mais en ce fait : il y a vne conſideration plus importante, que en tous les exemples qui ſe peuuent propoſer : & qui met du tout la Royne hors de puiſ‍ſance d’vſer de clemence en ceſ‍t endroit, ſans offenſer Dieu : Car il n’eſ‍t pas icy queſ‍tion,

d’vne conſpiration qui n’apportaſ‍t autre change-

ment