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D I A L O G V EI I.

paſ‍ſer outre ſur toutes ces difficultez, i’euſ‍ſe fuy auec vn Ionas, pluſ‍toſ‍t que de faire ma charge. A la fin ie m’y hazarday : mais ie ne fu pas ſi toſ‍t en France, que dés la premiere iournee ie m’apperceu trop cleremẽt que i’eſ‍tois au vray monde des miſeres & dans vn royaume de beſ‍tes, ou biẽ plus toſ‍t de traiſ‍tres & brigans. A la premiere hoſ‍tellerie où ie logeay, i’entendy vn qui ſe plaignoit de la grande cherté de viures : l’autre diſoit, les groſ‍ſes tailles qu’on va redoublant tous les iours, ces grands impoſ‍ts nous ruinent, nous mangent : & puis les inuentions nouuelles que ces bougres d’Italiens donnent au Roy pour arracher du peuple tous les deniers de ſa ſueur, nous acheuent à bon eſcient de peindre : au diable ſoyent les Atheiſ‍tes : ils vienent la plus part en France pour nous aider à eſcorcher, pour nous gabeller & nous tondre, & pour ſuccer iuſques au ſang les poures gens. Les autres y vienent auec vne main de papier, ou auec vn liure de raiſons, Dieu ſcait quel liure : ils dreſ‍ſent apres leur banque dans Paris, dedans Rouen, ou dedans Lyon : & lorsqu’ils ont bourſe garnie, ils font le ſaut, la Banque route. C’eſ‍t le vray moyen de gaigner, voire de paſſer en credit les plus grands Princes de la France. Et qu’il ſoit vray qu’on le demande au Peron, au comte de Rets. Tu te trompes, repliquoit l’autre, il eſ‍t paruenu autrement que tu ne penſes le bon homme : ne ſcay tu pas ce qu’on dit en prouerbe :
Pour bien ſeruir & loyal eſ‍tre,

De Maquereau on deuient traiſ‍tre :

Traiſtre