& neantmoins ſe craindre de luy plus que de
tout homme du monde : auoir touſiours l’œil au
guet, l’oreille aux eſcoutes pour eſpier d’ou
viendra le coup, pour deſcouurir les embuſches,
pour ſentir la mine de ſes compagnons,
pour aduiſer qui le trahiſt , rire à chaſcun, ſe
craindre de tous, n’auoir aucun, ny ennemy
ouuert, ny amy aſſ euré, ayant toujours le viſage
riant & le cœur tranſy, ne pouuant eſt re ioyeux,
& n’oſer eſt re triſt e.
Le pol. Tu as deſcrit en deux mots, la vie de ces
miſerables. Mais pour en parler à bon eſcient &
ne plus flatter le dé, comme l’on dit, tout ainſi
que la Repub. de laquelle les Roys philoſophent
ou en laquelle les Philoſophes ſont gouuerneurs
(ſelõ le dire de Platon) eſt heureuſe ſur toutes autres :
Et que c’eſt vn treſgrand heur d’eſt re ſuiet à
vn bon Prince qui ſoit ſuiet à la loy, laquelle ait
pour ſeure garde de peur qu’elle ne ſoit violee,
quelques eſt ats ou parlemẽs. Ainſi que iadis
noſt re Frãce, & cõme encores quelques vns de nos
voiſins l’ont pour le iourd’huy parmy eux. Auſſ i
eſt -ce vne grãde miſere de demeurer ſous la ſeruitude
d’vn tyran, chaſſ eur deſloyal, & d’vn conſeil
de meſme eſt offe, qui ne garde ni foy, ni loy, aucune
equité ou droiture, non pas meſme l’humanité,
ni les loix que nature imprime dans le cœur
des plus mallotrus. C’eſt (di-ie) vn extreme malheur
non ſeulemẽt pour les Courtiſans : ains auſſ i
pour tous les François de quelque religiõ & condition
qu’ils ſoyẽt d’eſt re ſuiets à vn maiſt re, duquel
on ne peut iamais s’aſſ eurer qu’il ſoit bon,