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MANDRIN.

eux, dans l’ombre de la tour qui portait leur nom. Ou perdait là quelques louis au passe-chic, après quoi on allait voir les dames à leur petit lever. A midi, qui était l’heure du diner, on faisuit bonne chère chez Mme de Meillonnas, en son nom MarieAnna Carrelet. Bourg n’était pas encore remise des guerres, il avait fallu porter la vaisselle plate à la monnaie, par ordre du roi ; done on servait dans ces belles faiences que la maîtresse du logis avait peintes. Elle était de bourgeoisie et ceroyait.pouvoir imiter en cela cette bourgeoise qui gouvernait la Prance, Mme de Pompadour, laquelle dessinait pour la manufacture qu’elle avait fondée à Sèvres. Mme de Pompadour faisait faire des tragédies à Crébillon, Mme de Meillonnas en faisait elle-même. Elle les adressait à Voltaire, et ce malin génic avait la perversité de l’encourager dans ce travers. Une tragédie, cette euvre virile entre toutes, si l’on en eroit Diderot, ne coûtait à cette dame que douze jours de gestation. Ensuite on s’occupait d’affaires dans les boudoirs, parce que le travail y est plus facile. On signait ensuite dans les bureaux. A 6 heures, on se réunissait dans la grande salle du palais. Elle était sise au rez-dechaussée du sombre manoir rebâti par Marguerite de Bourbon, la plus belle des deux mortes de Brou, et par Philippe de Savoie (connu sous le nom de Philippe de Bresse), son terrible époux. On y arrivait pied par la tragique place de Lice (qui porte ce nom, croyons-nous, en souvenir du duel judiciaire d’Aymon de Grandson et de Gérard d’Estavayer), après s’être promené un instant sous les jeunes tilleuls du bastion de Montrevecl.

Les chandelles étaient allumées, le souffleur était à sa place ; la troupe Saint-Géran, venue de Dijon plain-