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MANDRIN.

le voir. Il avait, mieux que cela, des adhérents, des complices dans les villages de la frontière, à SaintGenis-d’Aoste, aux Echelles. Il venait là, depuis trois ou quatre ans, manger joyeusement le produit de ses pillages ; ce pays fort pauv re partageait nécessairement ses joies avec lui. On lui ménagea par là un asile dans les montagnes qui bordent la rive droite du Guiers, en face du pont de Beauvoisin, et à environ trois licues de cette bourgade frontière, au château de Rochefort près Sainte-Marie d’Alvey. Chose étrange, co châtean appartenait à M. de Prolenc, fils du premier président du parlement de Grenoble. Mandrin y vécut caché jusqu’à la fin de l’hiver. Ses premiers lieutenants, échappés comme lui à leur dernier désastre, vinrent l’y rejoindre. Vraisemblablement les bandits se préparaient à recommencer leurs courses au printemps. On sentit à la fin à Versailles que c’était une affaire humiliante et pas mal ridieule, dont il fallait se défaire à tout prix ; le gouvernement d’alors ne sut venir à ses fins qu’au moyen d’une trahison, combinée avec une violation du droit des gens. Il envoya, sous les ordres de ce même Larre qui avait surpris les contrebandiers à la Sauvetat, nne petite armée qui se réunit au Pont-de-Beauvoisin ; elle aurait dû tenir Mandrin en éveil et le mettre sur ses gardes. Il se crut suffisamment protégé par la frontière ; de plus, il se laissa, dit-on, endormir par une Dalila, qni vendit le secret de sa retraite. La nuit du 15 mai 1755, la petite armée de partisans et de volontaires, conduite par de Larre, franchit le Guiers qui n’était gardé que par l’Ecu de Savoie, et escalada, par Avressieux, la montagne où le village de Rochefort est placé. Les habitants, surpris nuitamment, se