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GYULA

grosses joues d’un gamin de seize ans, chargé en été de garder le bétail sur la pousta, en hiver, les dimanches et jours de fête, de remplir les eruches des buveurs å mesure qu’elles se vidaient. Avant l’arrivée du traîneau, le cabaret de Kis-Balas n’était pas trop bruyant : une seule voix s’y faisait entendre, racontant les hauts faits de la nation magyare depuis Arpad jusqu’à Zriny, récits tout parsemés de ces inventions hardies, de ces légendes aventureuses, lesquelles appartiennentà la poésie hongroise et eneure aujourd’hui fon

Le discoureur devait être un homme de quarante et quelques années ; sa figure portait si bien ce mélange singulier d’orgueil indomptable allié à une bonhomie presque enfantine, qu’on était tout d’abord tenté de s’approcher et de nouer sans réserve une plus ample connaissance. Ses cheveux noirs et lnstrés comme délices de la nation. ceux d’un jeune homme, peignés en arrière, tombaient sur son dos en longues mèches ; sur son front élevé, d’autant plus saillant qu’il était découvert, se dessinaient des teintes bleuâtres semblables à celles qu’on voit sur les bras des athlètes ; elles auraient même donné à la physionomie de ce personnage je ne sais quelle expression redoutable, si des sourcils noirs et doucement arqués, joints à de longs cils, n’étaient venus adoucir considérablement la dureté de ses traits. Ses lèvres étaient recouvertes d’une moustache épaisse, terminée en deux longues pointes richement cirées, le tout au-dessous d’un nez infiniment plus long et plus gros que la plus honnête moyenne. Cette figure honnête et martiale, au temps jadis on l’aurait prise pour celle d’un brigand cherchant sa victime ; il y a peu d’années, cet homme, tel que nous le voyons là, saisissant un jeune taureau par les