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GYULA

loquet de la porte pour le lever. Son haleine rapide se changea en une toux légère, et elle dut presser ses doigts sur ses lèvres pour ne pas éclater. Il se passa bien cinq minutes avant que Juliska pût se résoudre à tirer la cheville de bois hors de son anneau de fer, puis la porte s’ouvrant, elle la retint de peur qu’elle ne s’entrebaillât trop promptement. Dans la chambre de Mihal il y avait encore de la lumière, mais le juge ne devait pas y être à dormir, la jenne fille aurait entendu le bruit de son haleine ; elle poussa la porte un peu davantage, un craquement léger se fit sous son pas ; ah ! qu’à ce moment Mihal eût élevé la voix, dit une seule parole, Juliska serait tombée à ses pieds morte d’effroi, mais Mihal n’y était pas.

Une minute peut-être Juliska demeura immobile avant de savoir ce qu’elle devait faire ; sûrement son père avait pris ses dispositions pour envoyer un de ses gens à la rencontre de Gyula. A quoi la jeune fille allait-elle se résoudre ? retournerait-elle dans sa chambre ? Elle se sentait d’antant plus de hâte à prendre une résolution, qu’un instinct secret la poussait dehors savoir ce qu’était devenu son ami. Le premier péril heureusement surmonté, Juliska reprit courage et, lâchant la porte qu’elle tenait, elle fit quelques pas en avant, se préparant à traverser la chambre et à gagner la cour, quand soudain son père se trouva devant elle. Juliska l’avait entendu venir, mais elle ne put fuir. Les yeux baissés vers la terre, elle demeurait immobile à écouter les jurements amers qui s’échappaient de la bouche irritée de Mihal. « Je pensais bien, murmurait-il, que ce jour me porterait malheur, vu que la nuit dernière j’ai rêvé à ma femme ! P’auvre Gyula, je t’ai perdu ! »