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ET JULISKA.

Juliska frissonna ; les bras pendants, la figure pâle, elle était là, devant cet homme qui ne lui avait de sa vie adressé la moindre parole d’amitié, qui évitait même d’arrêter sur elle son regard, saus que la jeune fille eût jamais pu comprendre le motif de cet éloignement barbare.

Mihal, qui ne s’était pas soucié de cet enfant, s’était cependant, depuis qu’elle avait grandi, senti responsable vis-à— vis d’elle de l’exécution de certains devoirs ; ce qui n’empêchait pas sa haine de se faire jour en toute occasion, tant que ce n’était qu’à l’influence de Gyula qu’on devait que la jeune fille, blessée dans son for intérieur le plus intime par les duretés contiuuelles de son père, n’eût pas dès longtemps éclaté en récriminations et en reproches. « Que viens-tu faire ici ? > demanda Mihal de ce ton glacial mille fois plus déchirant pour le cœur de la femme que la colère la plus violente. « Rien ! répondit Juliska à voix basse. — Dans ce cas, va-t-en ! » Juliska fit quelques pas vers la porte du dehors. « Où vas-tu ?

— Je ne puis plus rester dans ma chambre, il faut que je voie ce que Gyula est devenu ! » dit Juliska avec calme et fermeté. A ces mots, le visage de Mihal prit une expression plus sombre encore ; une main appuyée sur la table de chêne qu’il pressait entre ses doigts ncrveux, la lèvre inférieure crispée sous ses dents, il fit de l’autre main à Juliska un geste pour lui montrer sa chambre. Juliska alors releva la tête, et bravant avec un courage merveilleux ce regard fait pour la briser : « Je ne rentrerai pas dans ma chambre, il faut que je sache ce que Gyula est devenu, dit-elle d’un ton