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ET JULISKA.

Iment il reprit la parole : Je suis bien malheureux : Dieu n’a cruellement puni de mon injustice envers ma femme et mon enfant. Hier au soir, j’ai repoussé Gyula de ma maison ! Fier comme un vrai Magyar, il ne voudra jamais consentir à en repasser le seuil. O mon frère Pal, je serais capable de pleurer en pensant à ce que j’ai fait à ton enfant et au mien ! » A quoi se résoudre en pareille occurrence, sinon à aller à la recherche de Gyula ? Il manquait partout. Le plus vieux des valets de la maison, quand il vit son maître, lui dit : « Seigneur, cherchez quelqu’un d’autre à ma place : sans le secours de Gyula, je ne peux plus faire mon ouvrage. » Une des servantes à qui Mihal demanda où était Juliska, regarda le juge d’un air de surprise et lui répondit avec un accent de tristesse qu’il n’avait qu’à la chercher lui-même ; mais, chose plus surprenante encore que la conduite des valets et des servantes, c’est que le juge la supporta sans mot dire ; la conscience de sa faute l’humiliait devant lui-même.

Juliska traversa la cour lentement derrière Mihal, jusque dans la chambre où le père et la fille demeurèrent un moment immobiles et silencieux en face l’un de l’autre. Mihal s’étonnait à part lui de trouver pour la première fois Juliska belle, et cette enfant, qu’il avait jusque-là constamment repoussée, maintenant c’est à peine s’il osait la considérer d’un air timide et l’attirer à lui. L’orgueil livrait au repentir un dernier combat dans l’âme de Milhal, qui ne pouvait s’humilier devant son enfant et qni, s’il voulait rendre justice à Juliska, devait nécessairement le faire. Ah ! si la jeune fille avait soupçonné seulement ce qui se passait dans l’âme de cet homme qu’elle n’avait jamais osé seulement nommer son père, elle 26