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ET JULISKA.

« Que tous les jours soient comme aujourd’hui, et que do ces jonrs-là il y en ait beaucoup dans la vie ; mon cheval pour aller à la guerre, ma inaîtresse pour me divertir.

« Du cheval, passons à la dansc ; do la danse, passons au vin. Du vin, du vin ! et ne faisons qu’un saut en selle, hussards ! hussards ! nous voici tous, hussards

! »

Ainsi chantaient les jeunes recrues avec un entrain et sur un ry thme dont nous ne pourrions guèro donner l’idée au lecteur. « Si tu ne veux pas jouer l’air, laissc-nous tranquilles avec ta musique >, dit le sergent an Bohémien d’un ton grondeur, vu que Juros continuait à ne tirer de son instrument que des accords plaintifs, lesquels n’allaient guère à ce jeune penple de chanteurs. Le vieux hussard accompagna son injonetion d’un geste menaçant, que le Bohémien comprit à merveille ; il n’en bougea pas pour cela davantage de sa place. Ces deux hommes s’étaient sentis soudain ennemis acharnés, sans que ni l’un ni l’autre cependant osât se hasarder à attaquer ouvertement son antagoniste, le sergent, parce qu’il craignait que si Gyula s’apercevait qu’il était l’objet de la dispute, il ne quittât instantanément le cabaret ; Juros, parce qu’il redoutait que Gyula, s’il voyait qu’on voulait l’empêcher de s’engager, par amour-propre ne frappât sur-le-champ dans la main du sergent. Celui-ci s’était levé et tourné vers un de ses subordonnés pour lui dire quelques mots ; Juros, profitant de cette façon d’intermède, prompt comme l’éclair, se glissa auprès de Gyula : « Gyula, lui dit-il à l’oreille, hier tu m’as sauvé la vie, aujourd’hui je te sauverai plus que cela. Les soldats vont se mettre à