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VOYAGE

comprirent que leur voyage devenait plus difficile. En effet, la rivière était obstruée par des roches qui produisaient devant elles des rapides et des chutes d’eau ; si bien que le courant était fort dangereux, et la navigation souvent impossible.

Pour comble d’infortune, au moment où ils y songeaient le moins, les neuf voyageurs furent inondés par un orage, où les éclairs et le tonnerre accompagnaient un véritable déluge, dont un vent terrible redoublait la fureur. Les éclats de la foudre, répercutés par les échos produisaient un bruit épouvantable. Ruth pleurait à fendre l’âme, tant elle avait peur, et Marguerite, malgré son courage, tremblait en prêtant l’oreille aux efforts incessants de la tempête.

Les petits canots, tourbillonnant et se heurtant aux roches cachées sous l’eau, semblaient destinés à une destruction inévitable. Enfin, avec l’aide de Wilkins, qui se jeta à l’eau une corde entre les dents, le premier canot vint s’atterrir vers une pierre plate sur laquelle on fit descendre les femmes et ces pauvres créatures se hâtèrent de se cramponner aux troncs et aux branches des arbres, afin de ne pas être emportées par le vent.

Tandis que ceci se passait, le frêle esquif avait été malheureusement entraîné, et il fut impossible de songer à le sauver d’un naufrage inévitable.

L’étiage de la rivière s’était élevé, eu égard à cette pluie inattendue ; aussi Wilkins se jeta-t-il à l’eau, en tendant une rame aux autres voyageurs qui se trouvaient dans le second canot, afin de les amener vers la rive. À peine y avaient-ils mis le pied, que leur embarcation, endommagée, se heurta contre un rocher, et fut brisée en morceaux.

« Dieu soit loué ! personne n’a péri » s’écria Max Mayburn en cherchant un abri contre l’orage sous un arbre touffu.

Ce furent les seules paroles qu’on lui entendit prononcer. Tous les jeunes gens étaient atterrés de leur situation, et se demandaient à part eux ce qu’ils allaient devenir.

À la fin Arthur désigna à ses amis une sorte de niche en vue, laquelle semblait leur offrir un asile plus abrité que l’endroit où ils se trouvaient. Chacun s’y traîna comme il put ; et quand tout le monde fut parvenu sur l’emplacement désigné, on découvrit l’ouverture d’une caverne de pierre tendre, haute de trois à quatre mètres, et dont l’intérieur offrait un abri contre la pluie et le vent.

En pénétrant dans cette grotte, une grande quantité de chauves-souris s’enfuirent à tire-d’aile.

Marguerite et les deux femmes se hâtèrent de prendre possession de leur nouvelle demeure, dont elles approuvèrent la situation inexpugnable et à l’abri de l’humidité.

Tout autour de l’entrée on trouva du bois mort, à l’aide duquel on fit du feu pour se sécher. Les jeunes gens, à leur grande joie, avaient pu sauver leurs arcs, leurs flèches, leurs lances et leur fusil. Ruth elle-même n’avait pas perdu la corbeille aux poules. Au moment du danger, Wilkins avait eu la présence d’esprit de jeter sur la rive la caisse de pommes de terre et le portemanteau contenant des habits de rechange, qui leur furent très utiles à tous pour ne pas rester exposés à l’humidité.