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GHENNJI VOIT POUR LA PREMIÈRE FOIS MOURAÇAKI NO OUR[1]

En cette saison, les jours étaient fort longs. Comme il s’ennuyait, Ghennji sortit du monastère ; et sous le brouillard du soir, il alla vers un bâtiment qu’une petite haie entourait. De toute sa suite, il n’avait conservé avec lui que Korémitsou[2]. Ils regardèrent à travers la haie. Au côté ouest du bâtiment, il y avait une religieuse qui faisait ses dévotions devant une statue du Bouddha. Elle souleva le store et offrit des fleurs. Puis, elle se plaça près du pilier central, et, posant un kyô[3] sur un support, elle se mit à le lire d’une voix triste. Cette religieuse semblait avoir dépassé la quarantaine. Elle avait quelque chose de distingué. Elle était plutôt maigre, avec une peau trop blanche. Sa chevelure, pour avoir été coupée[4], n’avait rien perdu de sa beauté. Deux suivantes, de visage aimable, la servaient. Plusieurs enfants jouaient, entrant dans la salle ou en sortant.

Parmi eux, une petite fille, d’une dizaine d’années ou un peu plus. Elle portait un vêtement de soie blanche, avec des dessins couleur de kerrie[5]. Elle ne ressemblait ni aux suivantes, ni aux autres enfants, mais se distinguait par sa beauté admirable. Sa chevelure ondulait en vagues, étalée comme un éventail[6]. Mais elle avait les yeux rouges. La religieuse, relevant la tête, lui demanda : « Qu’y a-t-il ? Tu t’es disputée avec les enfants ? » En voyant le visage de la religieuse, Ghennji pensa qu’elle était sans doute sa fille[7]. « Inouki, répondit celle-ci d’un ton plaintif, a lâché le petit moineau que j’avais mis dans un panier[8]. » Une des suivantes :

  1. Dans un monastère du mont Higashi, où il s’était rendu pour se faire exorciser d’une fièvre intermittente.
  2. Son fidèle compagnon.
  3. Un soutra bouddhique.
  4. Les religieuses, à la différence des bonzes, ne se faisaient pas raser la tête, mais seulement couper les cheveux assez courts.
  5. De la couleur jaune d’or des fleurs du yamabouki (kerrie ou corète du Japon, Kerria japonica).
  6. Il s’agit probablement d’un genre de coiffure particulier.
  7. La nonne était en réalité la grand’mère de l’enfant.
  8. Zarou, ou séigo, panier à couvercle au-dessous duquel on