Page:Revon - Anthologie de la littérature japonaise, 1923.djvu/203

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« Ce méchant garçon n’en fait jamais d’autres et il ennuie tout le monde ! Où est allé le moineau, maintenant ? Lui qui grandissait si bien, ces derniers jours ! Je crains qu’un corbeau ne l’aperçoive. » Et ce disant, elle sortit. Cette femme avait une longue chevelure flottante. Elle était de mine fort agréable. Les autres l’appelaient « Nourrice Shônagon[1] », et elle semblait chargée de surveiller la petite fille.

La religieuse dit à l’enfant : « Tu es bien jeune et tu fais trop de sottises. Sans songer que ma vie même peut disparaître aujourd’hui ou demain, tu ne penses qu’à ton moineau et tu commets un péché en le gardant captif[2]. Ce n’est pas bien. Allons, viens ! » La petite fille s’avança, d’un air tout triste, les sourcils comme voilés d’un nuage. Son front était charmant ; sa coiffure d’enfant, pleine de grâce. Les yeux de Ghennji étaient attirés vers elle, et il pensait combien elle serait jolie plus tard. Elle ressemblait fort à une personne[3] à qui, naguère, il avait donné son cœur, et dont le souvenir lui fit verser des larmes. La religieuse, caressant la chevelure de la petite fille, lui dit : « Tu n’aimes pas qu’on te coiffe ; et pourtant ta chevelure est bien belle ! Je suis triste quand je pense que tu es encore si enfant. À ton âge, certaines petites filles sont tout autres. Quand ta feue mère avait douze ans, elle était infiniment plus raisonnable. Mais si je devais te quitter maintenant, que deviendrais-tu ? »

    brûlait des substances odoriférantes pour parfumer les vêtements placés à l’intérieur.

  1. Titre décoratif (comp. ci-dessous, p. 195).
  2. Un pur bouddhiste devait respecter, non seulement la vie, mais la liberté même des animaux. Aujourd’hui encore, aux enterrements bouddhiques, on lâcbe des oiseaux captifs, en particulier des pigeons et des moineaux. Cette charmante coutume, dont j’ai été témoin plus d’une fois il y a une quinzaine d’années, tend cependant à disparaître. On rattrapait trop souvent les pigeons libérés pour les faire servir à d’autres obsèques ! Si bien que maintenant une clause à la mode, comme dernières volontés, est de ne demander « ni fleurs ni oiseaux », mais des envois d’argent que la famille transmettra à quelque œuvre de bienfaisance et dont elle fera tenir ensuite les reçus aux donateurs, avec ses remerciements. En cet ordre de choses, il y a trois étapes : faire des dépenses inutiles, supprimer ces dépenses inutiles, inaugurer des dépenses utiles ; nous en sommes au second degré, les Japonais au dernier.
  3. La concubine impériale Fouji-tsoubo.