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PÉRIODE DE KAMAKOURA

B. ECRITS INTIMES

LE HÔJÔKI

Au milieu des guerres civiles, et à côté des bruyants récits destinés à les glorifier, on vit paraître quelques écrits d’une littérature plus délicate : des « journaux » surtout[1], notamment des journaux de voyage[2], sans grande originalité d’ailleurs ; mais aussi, un délicieux petit livre qui est l’oasis de ce désert et qui mérite qu’on s’y arrête davantage. C’est le Hôjôki, de Kamo Tchômei.

Kamo Tchômei naquit, en 1154, au village de Shimo-Kamo, près de Kyoto. Son père Nagatsouna, suivant un usage héréditaire, était principal desservant du temple de Kamo : d’où le nom de Kamo donné à la famille. Notre auteur lui-même, dans son enfance, était appelé Kikoudayou (« le jeune Chrysanthème ») : c’est seulement un peu plus tard, sans doute vers sa quinzième année, qu’il reçut le prénom plus sérieux de Tchômei. De très bonne heure, son intelligence précoce le fit admettre comme page de l’empereur Go-Toba[3] ; son zèle pour les lettres et pour la musique lui valut même bientôt les fonctions de secrétaire du Bureau de la poésie. Mais, vers sa trente-cinquième année, s’étant vu refuser sans motifs la succession sacerdotale de son père, il abandonna le palais. Les malheurs de l’époque l’avaient d’ailleurs dégoûté du monde ; il se jeta dans le bouddhisme et, devenu bonze, vécut tout à fait à l’écart de la capitale. Enfin, la cinquantaine passée, il se fit ermite dans les montagnes de Hino. Pourtant, sur l’invitation du shôgoun Sanétomo, son confrère en poésie[4], il alla passer quelque temps à Kamakoura ; mais il revint bien vite à sa chère solitude, où

  1. Comme le Benn no Naïshi Nikki, « Journal de la dame d’honneur Benn », qui nota les événements survenus pendant six années aux alentours de l’an 1250.
  2. Le plus connu est L'Izayoï Nikki, « Journal du seizième jour de la lune », 10e mois de l’année 1277 que son auteur, Aboutsou-ni (la religieuse Aboutsou), partit pour le voyage à Kamakoura qu’elle nous raconte.
  3. Voir p. 236, n. 1.
  4. Voir p. 232, n. 3. — La valeur de Tchômei comme poète ressort assez de ce simple fait que les rédacteurs du Shinn-Kokinnshou n’acceptèrent pas moins de douces pièces signées de lui.